1:40
Mes chers camarades, bien le bonjour ! Dans l'histoire de France, il y a quelques personnages absolument incontrôlables, et parmi ces dernier, Jeanne d'Arc, c'est sans doute l'une des figures les plus fascinants du Moyen Âge. Notamment parce qu'on sait beaucoup de choses sur elle. Et si aujourd'hui on ne va pas détailler toute sa vie. Eh bien, je vous rappelle le personnage dans une [vulgarisation de haute volée] qui va durer à peu près trente secondes. Accrochez-vous !
1:54
Jeanne d'Arc est un personnage emblématique de l'histoire de France. Née en 1412, elle entend, dès son adolescence, des voix qui lui parlent et qui seraient celles des saints chrétiens. Rien que ça. Suite à l'illumination, elle est convaincue de devoir sauver le royaume de France en portant secours au roi Charles VII en mauvaise posture face aux Bourguignons et aux Anglais. Elle joint la parole aux actes, rencontre le roi, mène les batailles, fait sacrer le roi et renverse le cours de la guerre de Cent Ans. Elle [sera] capturée puis livrée aux Anglais avant d'être brûlée vive et de rentrer dans l'histoire. Elle, [qui aurait aimé descendre] avant de partir en fumée, aurait dit dans son dernier souffle « Vous ne m'avez pas cru ! Vous m'aurez cuite ! » Bon, si cette dernière phrase est totalement fausse. Les deux procès [dont elle fait l'objet] parce que, oui, il y en a eu deux, nous renseignent énormément sur le personnage qui est hors du commun. Mais comme souvent dans l'histoire, plus on a d'éléments, et plus ça soulève des questions. Jeanne d'Arc [méritera] donc plusieurs épisodes clairement [qui sortiront sur la chaîne à des intervalles assez espacés], mais aujourd'hui, je vais tenter de me concentrer sur trois questions qui, je l'espère, vous [brosseront] un portrait assez fidèle du personnage. La première, pourquoi Jeanne s'est engagée dans la guerre de Cent Ans ? La seconde, comment expliquer l'engouement qu'elle a suscité ? Et la troisième, a-t-elle participé activement aux combats ? Allez ! C'est parti !
3:22 Pourquoi Jeanne s'est engagée dans la guerre de Cent Ans ?
Commençons par un peu de contexte. Depuis le début du quinzième siècle, suite à la folie de Charles VI, le royaume de France est traversé par une guerre sanglante entre deux grands partis nobles proches de la couronne, les Orléans, aussi appelés les Armagnacs, et les Bourguignons. Chacun, pour vaincre, tente à tour de rôle de [s'attirer] les bonnes grâces des rois d'Angleterre. Ce sont les Bourguignons qui en profitent le plus lorsqu'après sa victoire d'Azincourt en 1415. Henri V d'Angleterre finit par épouser une des filles de Charles VI. L'enfant [tiré] de cette union, le futur Henri VI, est déclaré héritier [présomptif] de la couronne de France, tandis que le duc de Bourgogne Philippe le Bon renforce ses fiefs.
On a donc en 1429 un royaume séparé en trois. D'un côté, le nord de la Loire, qui reconnaît en grande majorité Henri VI ; de l'autre, le sud, qui soutient Charles VII, fils de Charles VI, [replié sur] Bourges. Et au nord-est, les terres bougignonnes. Entre les deux souverains, c'est la guerre. Une guerre entre armées mais aussi une guerre de symbole pour acquérir de la légitimité. Et c'est justement sur ce point précis que l'apparition de Jeanne d'Arc va tout bouleverser alors que le conflit se déroule mal pour les Amargnacs. La jeune femme, née vers 1412, vient des marges du royaume, sur les rives de la Meuse, dans le village de Domrémy, situé à l'époque à la frontière entre les terres du royaume et celles du Saint-Empire. C'est un endroit que se disputent durement les Armagnacs et les Bourguignons, parce qu'il est sur la route reliant les terres contrôlées au nord et au sud par les ducs de Bourgogne. En 1429, les partisants de Charles VII possèdent encore dans la région quelques places fortes, comme Vaucouleurs, à une vingtaine de kilomètres au nord de Domrémy. Mais une bonne partie de la zone [penche] pour le duc de Bourgogne, comme le village de Maxey, situé à deux kilomètres en face de Domrémy, de l'autre côté de la Meuse. À l'opposé, le [hameau] où habite la famille de Jeanne est armagnac. Son père, un notable local propriétaire de plusieurs terres, est un partisant reconnu des Orléans qui ont soutenu en 1412 la révolte des bourgeois de Neufchâteau, à dix kilomètres au sud de Domrémy, contre les troupes du duc de Lorraine, alors allié des Bourguignons.
5:30
C' est compliqué donc [mais ce qu'il faut retenir] c'est que Jeanne baigne dans un milieu qui est foncièrement armagnac, [ce qui se ressent] même dans les saints [qui lui seraient] apparus à partir de sese treinze ans, parce que, oui, dans le conflit entre les familles de haute noblesse qui mobilisent une grande partie du royaume depuis près de vingt ans, même les forces divines ont un camp.
Ainsi, Jeanne entend la voix de saint Michel, l'abbaye du Mont-Saint-Michel étant à l'époque une forteresse armagnac qui résiste aux Anglais. Mais elle n'entend pas celle de saint Denis, pourtant le patron traditionnel des rois de France. Son abbaye, proche de Paris, est en effet en territoire anglo-bourguignon et contrôlé par le parti opposé. À la question, pourquoi Jeanne qu'on appellera bientôt la Pucelle d'Orléans, choisit-elle le camp de Charles VII et des Armagnacs, on peut donc répondre que c'est avant tout un choix partisan. C'est pourquoi un de ses premiers actes militaires sera de voler au secours de la ville d'Orléans, le fief central de son parti, et qu'elle demande aux Anglais dans une lettre qu'elle leur adresse de libérer le chef des Armagnacs, Charles d'Orléans, [qu'ils détiennent] prisonnier à Londres depuis sa défaite à Azincourt en 1415.
Le fait que Jeanne [soit affiliée] à un des camps de la guerre civile va aussi expliquer pourquoi beaucoup de sujets du royaume de France qui sont proches, eux, des Bourguignons, vont juger assez sévèrement Jeanne. Par exemple, l'auteur anonyme qu'on appelle [le Bourgeois] de Paris, [qui] sans doute un clerc qui vivait dans la capitale ralliée au duc de Bourgogne et à Henri VI, qui va avoir des mots très durs, apparemment pas assez, à l'encontre de Jeanne. Par exemple, il met en doute les légendes que racontent les Armagnacs à son sujet. Il va même la qualifier de créature en forme de femme. [Ce qu'il suggère est] qu'elle serait en fait qu'un être démoniaque. Rien que ça.
7:13 Comment expliquer l'engouement qu'elle a suscité ?
C'est donc en Armagnac que Jeanne rejoint la cour de Chinon en février 1429 où elle parvient après avoir traversé incognito des terres Bourguignonnes. L'adolescente qui se présnte devant le souverain est une complète étrangère. C'est une femme, issue d'un milieu populaire. Elle est très jeune dans une société où l'on valorise le grande âge et elle vient d'une région frontalière vue de haut par les élites du royaume, originaires, elles, du val de Loire ou des environs de Paris. Pourtant, elle se fait accepter par Charles VII. Cette réussite est encore aujourd'hui expliqué sous l'angle du miracle. Jeanne, inspirée par Dieu, aurait reconnu le souverain déguisé en simple courtisan au sein de sa cour, comme on le voit par exemple dans le film de Luc Besson. Bon, cette scène, elle a été inventée plus tard en réalité et donc elle est rentrée dans l'histoire mythique de Jeanne d'Arc. Mais, en vrai, le succès de Jeanne, ça tient pas du prodige, mais plutôt du contexte. Je vous explique.
En ce début du quinzième siècle, le Grand Schisme, une crise religieuse qui [a scindé] pendant presque quarente ans l'Église latine, favorise l'émergences du phénomène des prophétesses, les femmes généralement issues de milieux modestes [et affirmant détenir] une révélation divine propre à sauver le royaume, voire la chrétienté tout entière. Dès le quatorzième siècle, certaines d'entre elles, comme Brigitte de Suède, sont devenues célèbres en annonçant qu'une femme viendrait au secours de la couronne de France et qu'elle serait vierge à l'image de Marie, la mère du Christ, dont le culte s'est alors fortement dévelopé. Jeanne pense être l'incarnation de cette pucelle et d'ailleurs, elle n'est pas la seule. Durant ses pérégrinations, elle rencontre d'autres jeunes femmes qui, comme elle, ont entendu des appels venus de Dieu ou des saints, et qui veulent apporter leur soutien à la couronne, comme Catherine de la Rochelle ou Piéronne la Bretonne qui sera brûlée sur le parvis de Notre-Dame de Paris en 1430. [Ça sentait déjà un peu le roussi,] elle aurait dû se méfier.
Le roi es ses proches croient en l'existence de ces femmes et leur tendent régulièrement l'oreille. Pourtant, ils n'en acceptent pas n'importe qui. Après son arrivée à Chinon, Jeanne est ainsi longuemnt interrogée afin de savoir si elle correspond à ce qui est attendu d'une prophétesse chrétienne, notamment, au niveau de son corps. On vérifie sa virginité, qualité qui renvoie à Marie, mère du Christ, qui figure d'ailleurs sur son [pennon], son étendard, mais qui renvoie aussi à de nombreuses saintes, particulièrement à deux qui lui sont apparues en vision, sainte Catherine et sainte Marguerite. Ses partisans remarquent également d'autres signes prouvant son destin exceptionel. Par exemple, elle est [anorexique] et ne consomme que des aliments renvoyant à une symbolique chrétienne, le vin, le pain, le poisson du [carême]. La seule chair qu'elle mange est celle du Christ, sous forme [d'hosties qu'elle ingère] régulièrement pendant les communions. Car depuis le troisième siècle, l'Église affirme que le pain consacré se changeait vraiment en corps de Jésus. Enfin les conseillers de Charles VII cherchent dans des textes célèbres un passage qui pourrait annoncer la venue de la jeune femme, et convaincre leurs partisans du bien-fondé de sa mission. Ils le trouvent dans les prophéties attribuées à [l'enchanteur] par [Geoffroy de Monmouth] au douzième siècle.
10:13 Dernière étape de la légitimation de Jeanne est donc, par extension, de la cause des Armagnacs, faire de la pucelle une bergère. Le truc, c'est que Jeanne ne l'a jamais été une bergère comme elle l'a expliqué à son procès. Pourtant dès 1429, Perceval de Boulainvilliers, un proche de Charles VII, écrit dans une lettre au duc de Milan que la pucelle, dès sa septième année, fut employée à garder les agneaux. Pas un des plus petits ne périt et ne devient la proie des bêtes féroces. Elle eut sa première révélation en gardant les brebis de ses parents. Au quinzième siècle, évoquer l'image du pasteur gardant ses troupeaux renvoie à nombre de significations politico-religieuses. Dans la Bible, Goliath est vaincu par un berger, David, qui devient par la suite roi. Alors que [les Psaumes] affirment que l'éternel est mon berger, l'Évangile de Luc expluque lui qu'un ange est apparu [à des] bergers pour leur annoncer la naissance du Christ, [scène] d'ailleurs abondamment représentée au Moyen Âge, sur des [enluminures] où parfois une bergère accompagne un berger. Pour toutes ces raisons, depuis quatorzième siècle, les souverains, notamment en France, sont comparés à des bergers. On considère qu'ils doivent être, comme Jésus, de bons pasteurs dirigeant avec justesse, mais fermeté, leurs troupeaux. Jeanne, c'est une figure profondément chrétienne. Elle se croit elle-même investie d'une mission qui ne concerne pas seulement la France mais aussi l'ensemble de la création. Comme nombre d'autres prophètes, elle veut d'abord purifier le royaume de ses péchés qu'elle estime être la cause de ces défaites. Et c'est d'autant plus le cas que depuis treizième siècle et la canonisation de Saint Louis, on pense que la couronne de France est sacrée et bénie par Dieu. C'est pour retrouver cette sacralité qu'elle veut interdire le [blasphème], le jeu d'argent, et qu'elle chasse les prostituées de l'armée.
11:54 La troupe, engagée [selon (t) elle] dans une sainte mission, doit être pure avant d'aller au combat. C'est aussi pour que la monarchie retrouve son caractère divin qu'elle insiste pour que Charles VII soit couronné à Reims où, croit-on, les souverains, [oints par l'huile] sacrée contenue dans la sainte ampoule qui, selon la légende développée depuis le neuvième siècle, aurait été amenée du ciel par une colombe, deviennent des élus par Dieu et acquièrent des pouvoirs merveilleux comme celui de guérir les [écrouelles], une maladie pas vraiment esthétique. Ce retour [à l'ordre] voulu par le Créateur doit contrebalancer les désordres créés par la guerre avec les Anglais, qui oppose chrétiens contre chrétiens. Jeanne aspire en effet à une paix qui permettra d'unifier la chrétienté sous le commandement de Charles VII, qui relancera alors unn grande croisade et reprendra Jérusalem. Un beau programme, qui comme l'espèrent nombre des contemporains de la Pucelle, déclenchera la fin des temps et le retour du Christ sur terre. Les projets de Jeanne donc ne s'arrêtent pas aux frontières du royaume mais concernent toute la chrétienté.
En mars 1430, elle écrit [ainsi une] lettre [aux hussites] de Bohème, une hérésie [qui a vu le] jour au début du quinzième siècle, et les prie de retourner à la vraie foi sous peine d'être punis par ses armées. Mais la ferveur qui entourait Jeanne ne touche pas tout le monde comme on l'a vu plus haut. Elle s'éteint aussi [sans mauvais jeu de mot] en grande partie lorsque l'entrée de Charles VII dans Paris ne se réalise pas comme elle l'avait pourtant annoncé.
13:28 A-t-elle participé activement aux combats ?
S'il y a une chose qui distingue bien Jeanne des autres prophétesses, c'est qu'elle affirme publiquement qu'elle est une chef de guerre. En l'espace d'un an d'activité militaire à peine, du 29 avril 1429 au 23 mai 1430, elle a ainsi participé à la levée du siège d'Orléans. aidé à la prise de Troyes, lancé la chevauchée victorieuse vers Reims en plein territoire anglo-bourguignon, échoué devant les murailles de Paris défendu entre autres par ses habitants, une opération durant laquelle elle est blessée par un carreau d'arbalète, pris la ville de [Saint-Pierre-le-Moûtier] et tenté de lever le siège de Compiègne, opération durant laquelle elle est capturée. Alors c'est une liste non exhaustive, mais Jeanne a a priori vu beaucoup d'actions, notamment des sièges, ce qui est plutôt normal durant une guerre où les batailles [en rase campagne] qui sont trop coûteux sont rares, et où la plupart des opérations se concentrent sur le contrôle des places fortes. Reste à voir dans quelle mesure Jeanne a participé activement aux combats.
Lors de son procès, elle a affirmé n'avoir jamais tué personne et que, si elle portait bien une épée, elle lui préférait quarente fois son étendard. Mais ça ne veut dire pas pour autant qu'elle n'a jamais joué aucun rôle dans les affontements. L'étendard [servait] par exemple à rallier les hommes et à les diriger, ce qu'elle fit selon de nombreuses chroniques. Certains témoins, comme Jean d'Alençon, ont même affirmé qu'elle avait de véritables talents de tacticienne, chose que Jean de Dunois attribue plus à Dieu qu'à elle. Enfin, rien, à part son sexe, ne semble la distinguer des autres chevaliers. Armée et possédant plusieurs montures comme [l'un d'entre] eux, elle [tend] à se comporter comme la représentation idéale d'un membre de cette aristocratie militaire, montrant son courage en première ligne, faisant preuve de loyauté envers son suzerain, et affirmant faire la guerre pour une juste cause, et pas pour s'enrichir. On va le dire tout court. Si ça [sort] clairement de l'ordinaire et reste un phénomène exceptionnel, cette participation d'une femme aux combats, elle est en rien inconnue au quinzième siècle.
La littérature épique a mis plusieurs fois en scène des guerrières, souvent vierges, alors que l'Ancien testament fait mention de femmes participant aux combats, comme Judith ou la juge et prophétesse Débora, que l'on voit représentée sur une enluminure du treizième siècle, personnages auxquels Jeanne est comparée dès 1429 dans le poème que lui consacre l'écrivaine Christine de Pisan. Pareillement, [le coût] humain de la guerre de Cent Ans a créé des situations extraordinaires. On a ainsi vu certaines dames de la noblesse privées [de leur époux] mort ou prisonnier, commander la défense de leur château sans pour autant participer activement aux combats, comme la dame de la [Roche-Guyon] en 1418, dont le mari a été tué du côté des Armagnacs lors la bataille d'Azincourt en 1415.
16:01
Si on se pose la question des combats [ça amène] forcément celle des habits. Est-ce que, là aussi, il y a des choses qui sortent de l'ordinaire avec Jeanne ?
Dès son départ de Vaucouleurs, Jeanne s'est vêtue en homme et s'est coupée les cheveux courts afin de ne laisser qu'une calotte en haut du crâne, une mode propre aux chevaliers que l'on peut voir sur cette enluminure du quinzième siècle représentant l'un de ses compagnons d'armes, Jean de Dunois. Double [transgression] donc à la fois [genrée] et sociale, Jeanne quittant à la fois son sexe et sa classe. Il ne faut pas oublier qu'au Moyen Ââge l'habit fait littéralement le moine. Un vêtement, une coupe de cheveux, à l'époque féodale, ce sont pas des choix individuels. Ça désigne vraiment une position fixe dans la société chrétienne. Un moine va porter la robe et la [tonsure], une femme mariée, elle doit être voilée, etc.
Dans ce contexte, la volonté de Jeanne de s'habiller en guerrier renforce le caractère exceptionnel et urgent de sa mission. C'est parce que les hommes ont été incapables de rétablir l'ordre divin dans le royaume, qu'une jeune femme issue d'un rang modeste doit prendre leur place, discours qu'appuient d'ailleurs Charles VII et son entourage. C'est en effet le roi qui achète à Jeanne l'armure complète qu'elle va revêtir pour la [coquette] somme de cent livres, l'équivalent à l'époque de près d'un an et demi de salaire d'un manoeuvre, l'ouvrier de base d'un chantier. Mais il ne faut pas croire que ça ne gênait pas les gens qui vivaient à la même époque que Jeanne d'Arc. Porter un vêtement masculin, ce n'est pas [anodin] et ça sera d'ailleurs une des raisons de sa condamnation.
Mais après son exécution, les enluminures qui la représentent la montrent généralement avec des cheveux longs et une robe. Par exemple ici dans les [Vigiles] de la mort de Charles VII de Martial d'Auvergne, un manuscrit réalisé 1484, comme si [sa transgression] des frontières entre les genres gênait en dehors du contexte particulier et de l'urgence de la guerre contre les Anglo-Bourguignons. Cette idée perdure même au dix-neuvième siècle, par exemple sur ce très célèbre tableau réalisé par Ingres dans les années 1850.
17:59 Qui l'a jugé et pourquoi a-t-elle été condamnée ?
Jeanne est capturée à Compiègne le 23 mai 1430 par des troupes bourguignonnes. De là, elle est vendue aux Anglais puis transférée à Rouen, sur des terres dépendant directement d'Henri VI, pour être jugée par un tribunal composé en très grande majorité d'ecclésiastiques français, comme Pierre Cauchon, pendant une procédure complexe qui dura des mois. Une procédure si complexe qu'on lui consacrera sans doute un jour une vidéo complète. En tout cas, ça vaut le coup.
Il faut surtout retenir de ce procès que l'on reproche à Jeanne principalement des faits d'hérésie, et surtout d'avoir tenté d'occuper la place d'intermédiaire entre les fidèles et Dieu, une position qui reste en ce quinzième siècle le monopole de l Église. Elle est brûlée le 30 mai 1431. Elle a alors sans doute à peine 19 ans. Mais ce n'est pas la fin de son histoire. Dès 1450, juste après qu'il [ait] repris Rouen aux Anglais, Charles VII ordonne l'ouverture d'une enquête sur la vie de Jeanne, qui débouche sur un procès en révision. Il s'agit à la fois de rétablir pour le roi sa souveraineté sur la ville et sur le duché de Normandie, mais aussi de tout faire pour que son nom et son sacre ne soient plus associés à une hérétique. L'opération réussit et en 1456 Jeanne est réhabilitée, mais pas canonisée. Il faut pour ça attendre 1920 dans un tout autre contexte dont nous reparlerons sans doute dans un prochain épisode.
Mes chers camarades, bien le bonjour ! Dans l'histoire de France, il y a quelques personnages absolument incontrôlables, et parmi ces dernier, Jeanne d'Arc, c'est sans doute l'une des figures les plus fascinants du Moyen Âge. Notamment parce qu'on sait beaucoup de choses sur elle. Et si aujourd'hui on ne va pas détailler toute sa vie. Eh bien, je vous rappelle le personnage dans une [vulgarisation de haute volée] qui va durer à peu près trente secondes. Accrochez-vous !
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Jeanne d'Arc est un personnage emblématique de l'histoire de France. Née en 1412, elle entend, dès son adolescence, des voix qui lui parlent et qui seraient celles des saints chrétiens. Rien que ça. Suite à l'illumination, elle est convaincue de devoir sauver le royaume de France en portant secours au roi Charles VII en mauvaise posture face aux Bourguignons et aux Anglais. Elle joint la parole aux actes, rencontre le roi, mène les batailles, fait sacrer le roi et renverse le cours de la guerre de Cent Ans. Elle [sera] capturée puis livrée aux Anglais avant d'être brûlée vive et de rentrer dans l'histoire. Elle, [qui aurait aimé descendre] avant de partir en fumée, aurait dit dans son dernier souffle « Vous ne m'avez pas cru ! Vous m'aurez cuite ! » Bon, si cette dernière phrase est totalement fausse. Les deux procès [dont elle fait l'objet] parce que, oui, il y en a eu deux, nous renseignent énormément sur le personnage qui est hors du commun. Mais comme souvent dans l'histoire, plus on a d'éléments, et plus ça soulève des questions. Jeanne d'Arc [méritera] donc plusieurs épisodes clairement [qui sortiront sur la chaîne à des intervalles assez espacés], mais aujourd'hui, je vais tenter de me concentrer sur trois questions qui, je l'espère, vous [brosseront] un portrait assez fidèle du personnage. La première, pourquoi Jeanne s'est engagée dans la guerre de Cent Ans ? La seconde, comment expliquer l'engouement qu'elle a suscité ? Et la troisième, a-t-elle participé activement aux combats ? Allez ! C'est parti !
3:22 Pourquoi Jeanne s'est engagée dans la guerre de Cent Ans ?
Commençons par un peu de contexte. Depuis le début du quinzième siècle, suite à la folie de Charles VI, le royaume de France est traversé par une guerre sanglante entre deux grands partis nobles proches de la couronne, les Orléans, aussi appelés les Armagnacs, et les Bourguignons. Chacun, pour vaincre, tente à tour de rôle de [s'attirer] les bonnes grâces des rois d'Angleterre. Ce sont les Bourguignons qui en profitent le plus lorsqu'après sa victoire d'Azincourt en 1415. Henri V d'Angleterre finit par épouser une des filles de Charles VI. L'enfant [tiré] de cette union, le futur Henri VI, est déclaré héritier [présomptif] de la couronne de France, tandis que le duc de Bourgogne Philippe le Bon renforce ses fiefs.
On a donc en 1429 un royaume séparé en trois. D'un côté, le nord de la Loire, qui reconnaît en grande majorité Henri VI ; de l'autre, le sud, qui soutient Charles VII, fils de Charles VI, [replié sur] Bourges. Et au nord-est, les terres bougignonnes. Entre les deux souverains, c'est la guerre. Une guerre entre armées mais aussi une guerre de symbole pour acquérir de la légitimité. Et c'est justement sur ce point précis que l'apparition de Jeanne d'Arc va tout bouleverser alors que le conflit se déroule mal pour les Amargnacs. La jeune femme, née vers 1412, vient des marges du royaume, sur les rives de la Meuse, dans le village de Domrémy, situé à l'époque à la frontière entre les terres du royaume et celles du Saint-Empire. C'est un endroit que se disputent durement les Armagnacs et les Bourguignons, parce qu'il est sur la route reliant les terres contrôlées au nord et au sud par les ducs de Bourgogne. En 1429, les partisants de Charles VII possèdent encore dans la région quelques places fortes, comme Vaucouleurs, à une vingtaine de kilomètres au nord de Domrémy. Mais une bonne partie de la zone [penche] pour le duc de Bourgogne, comme le village de Maxey, situé à deux kilomètres en face de Domrémy, de l'autre côté de la Meuse. À l'opposé, le [hameau] où habite la famille de Jeanne est armagnac. Son père, un notable local propriétaire de plusieurs terres, est un partisant reconnu des Orléans qui ont soutenu en 1412 la révolte des bourgeois de Neufchâteau, à dix kilomètres au sud de Domrémy, contre les troupes du duc de Lorraine, alors allié des Bourguignons.
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C' est compliqué donc [mais ce qu'il faut retenir] c'est que Jeanne baigne dans un milieu qui est foncièrement armagnac, [ce qui se ressent] même dans les saints [qui lui seraient] apparus à partir de sese treinze ans, parce que, oui, dans le conflit entre les familles de haute noblesse qui mobilisent une grande partie du royaume depuis près de vingt ans, même les forces divines ont un camp.
Ainsi, Jeanne entend la voix de saint Michel, l'abbaye du Mont-Saint-Michel étant à l'époque une forteresse armagnac qui résiste aux Anglais. Mais elle n'entend pas celle de saint Denis, pourtant le patron traditionnel des rois de France. Son abbaye, proche de Paris, est en effet en territoire anglo-bourguignon et contrôlé par le parti opposé. À la question, pourquoi Jeanne qu'on appellera bientôt la Pucelle d'Orléans, choisit-elle le camp de Charles VII et des Armagnacs, on peut donc répondre que c'est avant tout un choix partisan. C'est pourquoi un de ses premiers actes militaires sera de voler au secours de la ville d'Orléans, le fief central de son parti, et qu'elle demande aux Anglais dans une lettre qu'elle leur adresse de libérer le chef des Armagnacs, Charles d'Orléans, [qu'ils détiennent] prisonnier à Londres depuis sa défaite à Azincourt en 1415.
Le fait que Jeanne [soit affiliée] à un des camps de la guerre civile va aussi expliquer pourquoi beaucoup de sujets du royaume de France qui sont proches, eux, des Bourguignons, vont juger assez sévèrement Jeanne. Par exemple, l'auteur anonyme qu'on appelle [le Bourgeois] de Paris, [qui] sans doute un clerc qui vivait dans la capitale ralliée au duc de Bourgogne et à Henri VI, qui va avoir des mots très durs, apparemment pas assez, à l'encontre de Jeanne. Par exemple, il met en doute les légendes que racontent les Armagnacs à son sujet. Il va même la qualifier de créature en forme de femme. [Ce qu'il suggère est] qu'elle serait en fait qu'un être démoniaque. Rien que ça.
7:13 Comment expliquer l'engouement qu'elle a suscité ?
C'est donc en Armagnac que Jeanne rejoint la cour de Chinon en février 1429 où elle parvient après avoir traversé incognito des terres Bourguignonnes. L'adolescente qui se présnte devant le souverain est une complète étrangère. C'est une femme, issue d'un milieu populaire. Elle est très jeune dans une société où l'on valorise le grande âge et elle vient d'une région frontalière vue de haut par les élites du royaume, originaires, elles, du val de Loire ou des environs de Paris. Pourtant, elle se fait accepter par Charles VII. Cette réussite est encore aujourd'hui expliqué sous l'angle du miracle. Jeanne, inspirée par Dieu, aurait reconnu le souverain déguisé en simple courtisan au sein de sa cour, comme on le voit par exemple dans le film de Luc Besson. Bon, cette scène, elle a été inventée plus tard en réalité et donc elle est rentrée dans l'histoire mythique de Jeanne d'Arc. Mais, en vrai, le succès de Jeanne, ça tient pas du prodige, mais plutôt du contexte. Je vous explique.
En ce début du quinzième siècle, le Grand Schisme, une crise religieuse qui [a scindé] pendant presque quarente ans l'Église latine, favorise l'émergences du phénomène des prophétesses, les femmes généralement issues de milieux modestes [et affirmant détenir] une révélation divine propre à sauver le royaume, voire la chrétienté tout entière. Dès le quatorzième siècle, certaines d'entre elles, comme Brigitte de Suède, sont devenues célèbres en annonçant qu'une femme viendrait au secours de la couronne de France et qu'elle serait vierge à l'image de Marie, la mère du Christ, dont le culte s'est alors fortement dévelopé. Jeanne pense être l'incarnation de cette pucelle et d'ailleurs, elle n'est pas la seule. Durant ses pérégrinations, elle rencontre d'autres jeunes femmes qui, comme elle, ont entendu des appels venus de Dieu ou des saints, et qui veulent apporter leur soutien à la couronne, comme Catherine de la Rochelle ou Piéronne la Bretonne qui sera brûlée sur le parvis de Notre-Dame de Paris en 1430. [Ça sentait déjà un peu le roussi,] elle aurait dû se méfier.
Le roi es ses proches croient en l'existence de ces femmes et leur tendent régulièrement l'oreille. Pourtant, ils n'en acceptent pas n'importe qui. Après son arrivée à Chinon, Jeanne est ainsi longuemnt interrogée afin de savoir si elle correspond à ce qui est attendu d'une prophétesse chrétienne, notamment, au niveau de son corps. On vérifie sa virginité, qualité qui renvoie à Marie, mère du Christ, qui figure d'ailleurs sur son [pennon], son étendard, mais qui renvoie aussi à de nombreuses saintes, particulièrement à deux qui lui sont apparues en vision, sainte Catherine et sainte Marguerite. Ses partisans remarquent également d'autres signes prouvant son destin exceptionel. Par exemple, elle est [anorexique] et ne consomme que des aliments renvoyant à une symbolique chrétienne, le vin, le pain, le poisson du [carême]. La seule chair qu'elle mange est celle du Christ, sous forme [d'hosties qu'elle ingère] régulièrement pendant les communions. Car depuis le troisième siècle, l'Église affirme que le pain consacré se changeait vraiment en corps de Jésus. Enfin les conseillers de Charles VII cherchent dans des textes célèbres un passage qui pourrait annoncer la venue de la jeune femme, et convaincre leurs partisans du bien-fondé de sa mission. Ils le trouvent dans les prophéties attribuées à [l'enchanteur] par [Geoffroy de Monmouth] au douzième siècle.
10:13 Dernière étape de la légitimation de Jeanne est donc, par extension, de la cause des Armagnacs, faire de la pucelle une bergère. Le truc, c'est que Jeanne ne l'a jamais été une bergère comme elle l'a expliqué à son procès. Pourtant dès 1429, Perceval de Boulainvilliers, un proche de Charles VII, écrit dans une lettre au duc de Milan que la pucelle, dès sa septième année, fut employée à garder les agneaux. Pas un des plus petits ne périt et ne devient la proie des bêtes féroces. Elle eut sa première révélation en gardant les brebis de ses parents. Au quinzième siècle, évoquer l'image du pasteur gardant ses troupeaux renvoie à nombre de significations politico-religieuses. Dans la Bible, Goliath est vaincu par un berger, David, qui devient par la suite roi. Alors que [les Psaumes] affirment que l'éternel est mon berger, l'Évangile de Luc expluque lui qu'un ange est apparu [à des] bergers pour leur annoncer la naissance du Christ, [scène] d'ailleurs abondamment représentée au Moyen Âge, sur des [enluminures] où parfois une bergère accompagne un berger. Pour toutes ces raisons, depuis quatorzième siècle, les souverains, notamment en France, sont comparés à des bergers. On considère qu'ils doivent être, comme Jésus, de bons pasteurs dirigeant avec justesse, mais fermeté, leurs troupeaux. Jeanne, c'est une figure profondément chrétienne. Elle se croit elle-même investie d'une mission qui ne concerne pas seulement la France mais aussi l'ensemble de la création. Comme nombre d'autres prophètes, elle veut d'abord purifier le royaume de ses péchés qu'elle estime être la cause de ces défaites. Et c'est d'autant plus le cas que depuis treizième siècle et la canonisation de Saint Louis, on pense que la couronne de France est sacrée et bénie par Dieu. C'est pour retrouver cette sacralité qu'elle veut interdire le [blasphème], le jeu d'argent, et qu'elle chasse les prostituées de l'armée.
11:54 La troupe, engagée [selon (t) elle] dans une sainte mission, doit être pure avant d'aller au combat. C'est aussi pour que la monarchie retrouve son caractère divin qu'elle insiste pour que Charles VII soit couronné à Reims où, croit-on, les souverains, [oints par l'huile] sacrée contenue dans la sainte ampoule qui, selon la légende développée depuis le neuvième siècle, aurait été amenée du ciel par une colombe, deviennent des élus par Dieu et acquièrent des pouvoirs merveilleux comme celui de guérir les [écrouelles], une maladie pas vraiment esthétique. Ce retour [à l'ordre] voulu par le Créateur doit contrebalancer les désordres créés par la guerre avec les Anglais, qui oppose chrétiens contre chrétiens. Jeanne aspire en effet à une paix qui permettra d'unifier la chrétienté sous le commandement de Charles VII, qui relancera alors unn grande croisade et reprendra Jérusalem. Un beau programme, qui comme l'espèrent nombre des contemporains de la Pucelle, déclenchera la fin des temps et le retour du Christ sur terre. Les projets de Jeanne donc ne s'arrêtent pas aux frontières du royaume mais concernent toute la chrétienté.
En mars 1430, elle écrit [ainsi une] lettre [aux hussites] de Bohème, une hérésie [qui a vu le] jour au début du quinzième siècle, et les prie de retourner à la vraie foi sous peine d'être punis par ses armées. Mais la ferveur qui entourait Jeanne ne touche pas tout le monde comme on l'a vu plus haut. Elle s'éteint aussi [sans mauvais jeu de mot] en grande partie lorsque l'entrée de Charles VII dans Paris ne se réalise pas comme elle l'avait pourtant annoncé.
13:28 A-t-elle participé activement aux combats ?
S'il y a une chose qui distingue bien Jeanne des autres prophétesses, c'est qu'elle affirme publiquement qu'elle est une chef de guerre. En l'espace d'un an d'activité militaire à peine, du 29 avril 1429 au 23 mai 1430, elle a ainsi participé à la levée du siège d'Orléans. aidé à la prise de Troyes, lancé la chevauchée victorieuse vers Reims en plein territoire anglo-bourguignon, échoué devant les murailles de Paris défendu entre autres par ses habitants, une opération durant laquelle elle est blessée par un carreau d'arbalète, pris la ville de [Saint-Pierre-le-Moûtier] et tenté de lever le siège de Compiègne, opération durant laquelle elle est capturée. Alors c'est une liste non exhaustive, mais Jeanne a a priori vu beaucoup d'actions, notamment des sièges, ce qui est plutôt normal durant une guerre où les batailles [en rase campagne] qui sont trop coûteux sont rares, et où la plupart des opérations se concentrent sur le contrôle des places fortes. Reste à voir dans quelle mesure Jeanne a participé activement aux combats.
Lors de son procès, elle a affirmé n'avoir jamais tué personne et que, si elle portait bien une épée, elle lui préférait quarente fois son étendard. Mais ça ne veut dire pas pour autant qu'elle n'a jamais joué aucun rôle dans les affontements. L'étendard [servait] par exemple à rallier les hommes et à les diriger, ce qu'elle fit selon de nombreuses chroniques. Certains témoins, comme Jean d'Alençon, ont même affirmé qu'elle avait de véritables talents de tacticienne, chose que Jean de Dunois attribue plus à Dieu qu'à elle. Enfin, rien, à part son sexe, ne semble la distinguer des autres chevaliers. Armée et possédant plusieurs montures comme [l'un d'entre] eux, elle [tend] à se comporter comme la représentation idéale d'un membre de cette aristocratie militaire, montrant son courage en première ligne, faisant preuve de loyauté envers son suzerain, et affirmant faire la guerre pour une juste cause, et pas pour s'enrichir. On va le dire tout court. Si ça [sort] clairement de l'ordinaire et reste un phénomène exceptionnel, cette participation d'une femme aux combats, elle est en rien inconnue au quinzième siècle.
La littérature épique a mis plusieurs fois en scène des guerrières, souvent vierges, alors que l'Ancien testament fait mention de femmes participant aux combats, comme Judith ou la juge et prophétesse Débora, que l'on voit représentée sur une enluminure du treizième siècle, personnages auxquels Jeanne est comparée dès 1429 dans le poème que lui consacre l'écrivaine Christine de Pisan. Pareillement, [le coût] humain de la guerre de Cent Ans a créé des situations extraordinaires. On a ainsi vu certaines dames de la noblesse privées [de leur époux] mort ou prisonnier, commander la défense de leur château sans pour autant participer activement aux combats, comme la dame de la [Roche-Guyon] en 1418, dont le mari a été tué du côté des Armagnacs lors la bataille d'Azincourt en 1415.
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Si on se pose la question des combats [ça amène] forcément celle des habits. Est-ce que, là aussi, il y a des choses qui sortent de l'ordinaire avec Jeanne ?
Dès son départ de Vaucouleurs, Jeanne s'est vêtue en homme et s'est coupée les cheveux courts afin de ne laisser qu'une calotte en haut du crâne, une mode propre aux chevaliers que l'on peut voir sur cette enluminure du quinzième siècle représentant l'un de ses compagnons d'armes, Jean de Dunois. Double [transgression] donc à la fois [genrée] et sociale, Jeanne quittant à la fois son sexe et sa classe. Il ne faut pas oublier qu'au Moyen Ââge l'habit fait littéralement le moine. Un vêtement, une coupe de cheveux, à l'époque féodale, ce sont pas des choix individuels. Ça désigne vraiment une position fixe dans la société chrétienne. Un moine va porter la robe et la [tonsure], une femme mariée, elle doit être voilée, etc.
Dans ce contexte, la volonté de Jeanne de s'habiller en guerrier renforce le caractère exceptionnel et urgent de sa mission. C'est parce que les hommes ont été incapables de rétablir l'ordre divin dans le royaume, qu'une jeune femme issue d'un rang modeste doit prendre leur place, discours qu'appuient d'ailleurs Charles VII et son entourage. C'est en effet le roi qui achète à Jeanne l'armure complète qu'elle va revêtir pour la [coquette] somme de cent livres, l'équivalent à l'époque de près d'un an et demi de salaire d'un manoeuvre, l'ouvrier de base d'un chantier. Mais il ne faut pas croire que ça ne gênait pas les gens qui vivaient à la même époque que Jeanne d'Arc. Porter un vêtement masculin, ce n'est pas [anodin] et ça sera d'ailleurs une des raisons de sa condamnation.
Mais après son exécution, les enluminures qui la représentent la montrent généralement avec des cheveux longs et une robe. Par exemple ici dans les [Vigiles] de la mort de Charles VII de Martial d'Auvergne, un manuscrit réalisé 1484, comme si [sa transgression] des frontières entre les genres gênait en dehors du contexte particulier et de l'urgence de la guerre contre les Anglo-Bourguignons. Cette idée perdure même au dix-neuvième siècle, par exemple sur ce très célèbre tableau réalisé par Ingres dans les années 1850.
17:59 Qui l'a jugé et pourquoi a-t-elle été condamnée ?
Jeanne est capturée à Compiègne le 23 mai 1430 par des troupes bourguignonnes. De là, elle est vendue aux Anglais puis transférée à Rouen, sur des terres dépendant directement d'Henri VI, pour être jugée par un tribunal composé en très grande majorité d'ecclésiastiques français, comme Pierre Cauchon, pendant une procédure complexe qui dura des mois. Une procédure si complexe qu'on lui consacrera sans doute un jour une vidéo complète. En tout cas, ça vaut le coup.
Il faut surtout retenir de ce procès que l'on reproche à Jeanne principalement des faits d'hérésie, et surtout d'avoir tenté d'occuper la place d'intermédiaire entre les fidèles et Dieu, une position qui reste en ce quinzième siècle le monopole de l Église. Elle est brûlée le 30 mai 1431. Elle a alors sans doute à peine 19 ans. Mais ce n'est pas la fin de son histoire. Dès 1450, juste après qu'il [ait] repris Rouen aux Anglais, Charles VII ordonne l'ouverture d'une enquête sur la vie de Jeanne, qui débouche sur un procès en révision. Il s'agit à la fois de rétablir pour le roi sa souveraineté sur la ville et sur le duché de Normandie, mais aussi de tout faire pour que son nom et son sacre ne soient plus associés à une hérétique. L'opération réussit et en 1456 Jeanne est réhabilitée, mais pas canonisée. Il faut pour ça attendre 1920 dans un tout autre contexte dont nous reparlerons sans doute dans un prochain épisode.
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